Plantes de blé en bordure de parcelle : feuilles saines - stade 1 - 2 noeuds

Depuis le début du mois d’avril, la France connaît des conditions climatiques sèches, ensoleillées et plutôt fraîches voire froides, faisant suite à un hiver plutôt doux et modérément sec au global.

Cela se traduit par des cultures peu altérées par l’hiver, qui présentent des niveaux de précocité proches ou légèrement en avance par rapport à la moyenne pluriannuelle, marqués néanmoins par une forte hétérogénéité de stades interparcellaire, selon les dates de semis et les conditions de levée.

Le retour annoncé de conditions plus douces, sèches d’abord puis plus humides et perturbées fin avril, devrait maintenir des stades assez proches de la normale, et tarder à soulager les stress hydriques et azotés en cours.

La dernière feuille devrait « pointer » avec 3 jours d’avance en moyenne

Les conditions hivernales douces ont conduit à des rattrapages (moitié Nord) ou des avances de stade (Sud-Ouest et Ouest) pour de nombreuses parcelles. Cependant, l’avance phénologique cumulée pendant l’hiver a été quelque peu freinée par des épisodes de froid en mars et plus récemment en avril. Les températures minimales faibles semblent avoir pesé significativement sur le développement des cultures au cours des dernières semaines. Plus localement, la sécheresse peut également avoir un effet de frein sur les cultures. Au global, à l’exception du pourtour méditerranéen où les semis ont été réalisés très tardivement, en dehors des plages préconisées, les prévisions de stades dernière feuille pointante sont en moyenne 3 jours en avance par rapport à un référentiel pluriannuel.

NE PAS SE FIER À L’APPARENCE DES PLANTES

Il est néanmoins important de ne pas se laisser tromper par certains signes extérieurs de ralentissement phénologique. La sécheresse tout comme des conditions fortement ensoleillées peuvent induire de faibles élongations foliaires et allongements des entrenœuds. Ceci laisse penser que la culture ne progresse pas, alors que le développement de l’épi et la sortie des feuilles se déroulent discrètement. Il est donc important de juger du stade de la culture non pas par l’allongement des tiges, mais par les sorties de feuilles, et notamment la sortie de la dernière feuille (F1 définitive).

Les conditions actuelles (forts rayonnements, fortes amplitudes thermiques jour/nuit, et stress hydriques et/ou azotés) vont probablement conduire à des plantes courtes.

Quel impact des faibles cumuls de pluies sur la croissance des plantes ?

Les cumuls de pluie ont été faibles depuis la mi-mars, et cette séquence sèche intervient alors que l’hiver avait été modérément sec. Certains secteurs souffrent par conséquent déjà du manque d’eau. On peut toutefois distinguer plusieurs situations :

• Dans le Sud-Ouest, les cultures sont sorties de l’hiver avec des états de croissance très satisfaisants voire excédentaires et sont actuellement en avance pour la plupart. La chute des réserves en eau des sols a été initiée tôt, parfois temporisée par quelques pluies épisodiques. Sur ces cultures souvent bien implantées, le stress hydrique va s’installer progressivement et dans un premier temps pénaliser la densité d’épis, surtout dans les situations à forte végétation. Néanmoins, compte-tenu de l’avancement des stades, la fertilité épi risque d’être très rapidement altérée à son tour. L’intérêt d’une irrigation fin montaison, associée à un apport d’azote, est réel pour maintenir les composantes de rendement et limiter une entrée en sénescence précoce des feuilles.

• Dans le Sud-Est, les cultures ont été très souvent implantées tardivement en décembre ou janvier à cause des fortes pluies automnales. Elles sont aujourd’hui à des stades peu avancés pour le secteur. Dans ces situations, l’enracinement des cultures se construit progressivement, mais peut peiner à alimenter correctement les parties aériennes. Le manque de pluies régulières va donc impacter la croissance des cultures dès leur levée et leur tallage ; le potentiel de rendement est donc doublement limité : par le stress hydrique subit et/ou en cours, et par le risque significatif de stress terminaux (hydrique et thermique) probable dans ces secteurs pour des cultures tardives.

• Plus au nord, les cultures sont moins avancées, mais l’absence de pluie a pu coïncider avec les périodes d’apport d’engrais, conduisant à des carences azotées induites. Seules les parcelles les plus superficielles vont véritablement souffrir déjà de stress hydrique, mais les défauts d’absorption d’azote peuvent concerner un nombre plus large de parcelles.

Figure 1 : Pluie du 15 mars au 22 avril 2019 – écart à la moyenne 20 ans

La contrepartie de ce manque de pluie est un niveau élevé de rayonnement sur la période 15 mars – 15 avril, niveau atteint en général qu’une année sur 5. Ces forts rayonnements pourraient être favorables à une photosynthèse élevée, s’ils n’étaient pas associés à des stress hydriques ou azotés, et surtout à des périodes froides qui peuvent limiter le métabolisme en matinée. Dans ce contexte de forts rayonnements associés à des températures basses, ainsi que de manques d’eau et d’azote, l’apparition de taches physiologiques (causées par des stress oxydatifs) est possible sur feuilles.

Chute des températures : un risque gel plutôt localisé

Entre le 10 et le 15 avril, les températures nocturnes ont fortement chuté en lien avec des éclaircies nocturnes. Des températures aussi basses que -5°C voire -7 ou -9°C ont été relevées dans un triangle englobant la Normandie, l’Auvergne et la Lorraine.

Les gelées sont intervenues plusieurs jours de suite, mais le pic de froid n’a duré en général que quelques heures en fin de nuit.

Figure 2 : Températures minimales relevées entre le 10 et le 22 avril 2019

Pour des cultures en cours de montaison, il est possible que des dégâts apparaissent localement, notamment en fonction du microrelief (coulées d’air froid s’accumulant dans les thalwegs et près des bois et haies).

En comparaison de 2017, les gelées sont de même intensité, mais interviennent environ une semaine plus tôt, sur des cultures un peu moins avancées, dans des conditions légèrement plus sèches et après une période globalement plus froide. Il est donc probable que les dégâts soient moindres qu’il y a 2 ans, mais on ne peut pas exclure des dégâts ponctuels. S’il est nécessaire d’établir des diagnostics, il est préférable de :

– Se focaliser sur les zones où les coulées d’air froid peuvent stagner.
– Attendre la fin de semaine et le redoux pour permettre aux plantes de redémarrer significativement et éventuellement extérioriser des symptômes.
– Observer l’épi et la F1 du maître-brin : si des nécroses apparaissent, les tissus ont été endommagés par le gel.

Dans l’hypothèse où des dégâts de gel seraient présents, il est nécessaire de les remettre en face des capacités de compensation des céréales à paille : la destruction du maitre-brin peut être compensée par le maintien ou la reprise de talles. Cependant, les conditions de stress hydrique et/ou azoté qui touchent certaines parcelles pourraient limiter ces opportunités de compensation.

Pour en savoir plus, consultez l’article « Comment diagnostiquer au champ des dégâts de gel à montaison sur céréales à paille ? » ou la vidéo ci-dessous :

Source : L’hétérogénéité des stades encore accentuée par le sec et le froid

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